Quand je vis des émotions puissantes, après une rencontre notamment, quand je suis vraiment touché, il arrive que je me trouve super classe. J'ai des flux de pensées autocongratulatoires. Je m'auto-kiffe. Bravo Ro, regardes comme le monde t'attendais...
Les sensations qui accompagnent cette petite chanson intérieure sont juste étourdissantes, comme ce moment si spécial ou la C passe entre les sinus et la gorge. Mon coeur bat pleine balle. Ma vision scintille. Etrangement, j'ai droit à la même musique quand je fais de la merde, mais version sonate de l'enfer. Gorge sèche, envie de gerber, tête qui tourne. Cette musique au déclenchement automatique est, je crois, une stratégie enregistrée dans mon code comportemental, comme une mécanique pour, soit faire en sorte de verrouiller le moment de grâce, d'être sur qu'il se reproduise le plus souvent possible, soit, pour les moments de merde, d'être sûr qu'ils ne se reproduisent jamais. Punition ou récompense. La bonne méthode à l'ancienne qui consiste à se coller la ganache dans le résultat de ses actes et à s'y identifier, sans aucune distance. Je suis les conséquences de ce que je fais et soit, tout le mérite est pour moi, ou alors j'ai droit à toutes les abjections de la faute
A un endroit pourtant, il y a tout un monde invisible qui s'est convié à la fête de mon acte, aussi pourri ou merveilleux soit-il. J'ai au moins appris à marcher, à parler peut-être même à toucher d'une certaine manière. Dans chaque mot que je prononce, il y a toute une culture qui se promène. Mes stratégies sont construites à partir de legos mentaux que j'ai ramassé à droite à gauche. Aucune image ne m'appartient, j'ai tout choppé dans le monde et j'en ai fait des gestes. Même si ma compote est super bonne, je peux m'en attribuer le mérite, mais je peux aussi remercier le pommier la famille. Et ça change beaucoup de chose quand je le fait, notamment les émotions que je ressent. Ca ouvre des portes...
Chez la fleur, c'est plus simple... y'a pas de mythos. Quand elle veut se mélanger , elle fait directement intervenir le monde : insectes, chauve-souris et compagnie. Chacun de ses motifs, de ses apparats, est une danse polymorphe pour convier le monde à chacun de ses échanges. La fleur invite "visiblement" le monde, ce monde de l'autre, de la diversité, à chacune de ses interactions. Chaque "mouvement" de la fleur vient célébrer en miroir le fait que je ne suis jamais seul quand j'agit. A chacun de mes gestes, je fait intervenir une infinités d'acteurs, j'invite l'Histoire toute entière, visible ou invisible