L'unité radicale d'observation de l'atelier est l'émotion. Dans notre pratique, l'émotion est reine. C'est elle qu'on va suivre, qu'on va écouter, à laquelle on va réserver l'espace d'expression le plus large possible. C'est elle qu'on va danser et toute émotion est bienvenue, accueillie. Aucune d'entre elles n'est discriminée ou étiquetée comme "négative". Notre postulat est, qu'en l'absence d'étiquette, une simple émotions peut devenir une véritable épopée ou un tableau à contempler. Il est en effet fort à parier que, quand on la nomme, l'émotion suit le chemin de l'étiquette donnée et que sa capacité à surprendre soit amoindrie quand elle respecte cette contrainte.
Nous avons l'habitude de ressentir et de réagir et souvent, une partie de notre éducation se rejoue à chaque émotion manifestée et dans chaque réaction. Nous avons parfois l'habitude de chercher à analyser ces émotions, à les regrouper en archétype ou à remonter le fil de nos existences, à explorer le passé pour comprendre la source de nos automatismes. Si ces pratiques analytiques peuvent se montrer salutaire, voire dans certains cas indispensables, il y a aussi, dans l'instant vécu, dans le moment d'une émotion qui se révèle, une quantité infinie de connaissance qu'il est toujours possible de contempler et qui est différente à chaque expression. Ce qui est fascinant dans cette contemplation, c'est qu'il n'y rien à faire, ni rien à comprendre.
Dans le registre des émotions, le moins on en fait, le plus la connaissance se fait exponentielle. Il est possible que ce soit cette même contemplation, cette même connaissance vivante qui guide certains artiste, pour qui elle est souvent la matière première, ou même le guide privilégié quand il s'agit d'arpenter les chemins de traverse de la création. Il est aussi possible que cette matière première ne soit pas réservée qu'aux seuls artistes, que cette connaissance vivante, le fruit de notre contemplation puisse être mise en mouvement sans qu'il n'y ai aucun résultat à produire ni aucune esthétique à atteindre. Nous pouvons simplement, peut-être, utiliser la richesse expressive de nos émotions comme une encre pour écrire et notre corps comme un mode de calligraphie du mouvement.